samedi 12 février 2011

Théatre chez Triartis

Pour mon dernier partenariat en date, je voulais quelque chose de différent de mes lectures habituelles. Point de loup-garou, de vampires, de magies, point de mauvais garçon, de romance ou de douces folies, point non plus de jeune héros, d'univers étrange et de mondes à découvrir. Non, cette fois, ça sera du théâtre, et du moderne en plus ! Trois pièces, trois ambiances et trois textes bien distincts les uns des autres. Alors les chroniques que je vais faire maintenant seront un peu différentes de ce que j'écris d'habitude car, c'est avec ma toute petite expérience de la scène en tête, que je vais essayer d'en parler.


Éva rêvait, de Yves Hirschfeld

Une jeune première invisible ! Pas de cocu, ni d'amant dans le placard, ni de portes qui claquent ! Mais un verrou qui reste obstinément fermé et révèle au grand jour les travers et ridicules, les désirs secrets et les embrouilles d'une famille monstrueuse et tendre, irrésistiblement drôle, émouvantes ... comme toutes les familles.

C'est avec cette comédie qui j'ai commencé ce partenariat, car je dois l'avouer c'est la pièce qui m'attirait le plus. 
On nous embarque ici dans une histoire très simple (une jeune femme pressée coincée dans les toilettes), sur une scène clairement définie et décrite au début du livre, pour nous présenter et nous montrer les travers et le ridicule de certains personnages. 
Ces personnages sont d'ailleurs clairement identifiés, présentés et les relations qu'ils ont entre eux sont limpides (du moins au début). Assez vite on comprend qui est qui et quelles  relations il a avec les autres. Et puis, plus l'intrigue avance (c'est-à-dire moins on arrive à faire sortir Eva), plus les personnages se dévoilent, exprime leurs désirs, leurs rêves, leur rancune. Mais d'un autre côté, plus les masques tombent et plus les personnages montrent ce qu'ils sont vraiment. 
J'ai trouvé que l'on avait ici une jolie progression dans les relations humaines familiales, et qui, ma foi, s'approchait assez près de la réalité. Un seul petit bémol dans tout ça : j'ai quelques fois eu l'impression que les réactions de la mère étaient caricaturées, et je suggère une attention toute particulière lors de la mise en scène pour ne pas trop en faire. 
Au niveau de la mise en scène, je n'ai eu aucun mal à l'imaginer : les didascalies sont claires et indiquent bien les mouvement et actions sur scènes. 
Enfin, j'ai beaucoup aimé le texte en lui-même, qui très jeune et moderne. De plus certaines répliques sont tout simplement savoureuses ! Un petit exemple ? "Elle n'est pas encore née la porte des chiottes qui résistera à une femme amoureuse." Je dois avouer que j'ai un petit faible pour cette réplique !

En conclusion, j'ai beaucoup aimé lire cette pièce, et je pense que j'aimerai encore plus la voir ! Elle doit être très sympathique à jouer et à mettre en scène et le public doit facilement passer un bon moment en allant la voir !


Usage de faux, d'Alexandra Deman

Masquée sous un pseudo, Marion part à la rencontre d'un homme sur internet. Lola, son alias féminin virtuel, tente d'établir avec elle une stratégie de conquête.
Mais les peurs et contradictions de Marion vont leur compliquer la tâche.
Pour l'une comme pour l'autre, la situation se tend.
Qui est vraiment l'homme caché derrière son double ? Que veut-il? La séduction ne serait-elle qu'un jeu de dupes, un art d'illusions où l'on se réinvente à l'infini pour le meilleur et même pour le pire ?
Les improbables réponses à leurs questions installent entre les personnages de cette comédie moderne un crescendo tour à tour cynique et émouvant.

On rentre ici dans quelque chose de plus sérieux, de plus introspectif et complexe. Comédie n'aurait été le mot que j'aurai employé pour définir cette pièce, mais tragédie et drame ne correspondent pas non plus. 
Par le biais des avatars, Marion et Vincent, peuvent être ce qu'il veulent et ce qu'on attend d'eux. Mais la question que pose cette pièce est où commence le masque et où est la véritable personnalité de l'individu. Cette part que l'on créée sur internet est-elle totalement différente de nous, est-elle de simples fragments de nous-même, ou nos désirs enfouis de ce que l'on n'ose pas être ? C'est une réalité bien complexe que cette pièce tente de mettre en évidence, et je dois avouer que même après avoir fini de la lire je n'ai pas toutes les réponses en main. 
Au niveau de la mise en scène, cette pièce est un petit défi en soi. Car les avatars côtoient les personnages, passent du tchat écrit à la parole et du monde cybernétique au monde réel, et inversement proportionnel ou égal pour les personnes réelles. Bien que des indications soient données, je pense que c'est un petit casse-tête de rendre tout ça très visuel ! Mais bon, tout casse-tête a une solution, et je ne doute pas que quelqu'un réussisse à la trouver ici !

En conclusion, je ne m'attendais pas aux réflexions qu'engendre la lecture de cette pièce, mais je me suis retrouvée happée dedans, et je souhaite bonne chance à toute compagnie qui veut relever le petit défi qu'est la mise en scène de cette pièce !


Chanter puis se taire, de Chantal Destrues

La musique de Robert Schumann vibre intensément. Elle tente d'exprimer l'indicible : l'angoisse profonde de l'artiste que l'on n'entend pas.
Seule Clara, l'amour absolu de Robert, parvient à recueillir cette fragile voix. Mais elle ne pourra longtemps retenir l'âme inquiète du compositeur. Malgré sa vaillance, elle demeurera impuissante face au désespoir du créateur qui se laissera engloutir par le silence. "Chanter puis se taire" lui dira-t-il avant que l'étrange mystère de son génie ne le mène à la folie.

Alors là les amis, accrochez-vous ! 
La pièce s'ouvre sur le bruissement de la robe de son aimée, vécu par Robert comme la plus belle des musique. Il traite ensuite de la beauté du silence et de sa musique, de manière très philosophique et poétique. Mais Robert s'enfonce ensuite dans une spirale noire et une douce folie. Où s'arrête la poésie et où commence la folie ?
Le texte est d'une très grande beauté, le sujet est magnifique et le thème est superbe. J'ai aimé cette poésie du silence et cette musique par les bruits les plus délicats. J'ai aimé aussi l'évolution du personnage que l'on prend pour un doux rêveur d'abord, un artiste excentrique ensuite, puis finalement un dépressif qui ne s'en sort pas. Mais la question qui me reste sur le bout des lèvres est : est-il vraiment fou ? Pour moi la réponse est non : il rêve un peu trop fort.
Le vrai défi dans ce texte (outre le jeu des acteurs pour rendre la complexité des personnages) est qu'il est écrit sans aucune ponctuation, et presque aucune didascalie. Il est donc sujet à de multiples interprétations et de mises en scène possibles. Personnellement j'ai tout imaginé sur un ton très calme pour rester sur le ton du rêve et de la poésie. Pour porter également la beauté du texte. Mais je me suis rendue compte qu'il était tout à fait possible de rajouter de la violence et de la colère aux personnages et d'aller beaucoup plus loin que mes premières interprétations. Ainsi, toute compagnie cherchant à monter cette pièce est tout à fait libre de choisir son interprétation du texte et des personnages. 

Une pièce profonde donc, qui pose des questions sur la folie et la beauté du silence et des bruits. Une pièce qui laisse libre court à toute interprétation car ne donne aucune indication sur le ton employé par les personnages et sur le jeu de scène.


En conclusion générale sur ces trois pièces, je dois avouer que, moi qui n'étais pas sûre de toutes les apprécier, j'ai été très agréablement surprise par les trois. Ce sont des pièces profondes qui posent des questions sur les perceptions humaines traitées avec plus ou moins de légèreté et de poésie. 

Je remercie Livraddict, et les éditions Triartis pour ce partenariat, et tout particulièrement Martine Malinski de cette maison d'édition qui a eu la gentillesse de m'écrire un petit mot de sa propre main. J'espère, tout comme vous, que ces auteurs verront leur pièce montée !

2 commentaires:

heclea a dit…

Ta chronique touche la comédienne qui est en moi et me rend très curieuse sur ces pièces !

Aily a dit…

Mais je prête, quand tu veux, ces pièces à la comédienne qui est en toi !